Publié le 25 mars 2025 Mis à jour le 26 mars 2025

de Aurel Rotival, Docteur en Études cinématographiques, chercheur associé - Passages Arts et Littératures XX-XXI

De l’écrémeuse de La Ligne générale (1925) jusqu’aux arbres nourriciers des Garçons sauvages (2017), le lait jaillit, se déverse ou se partage à de multiples reprises dans l’histoire du cinéma. Cette véritable galactophilie n’est que le versant cinématographique d’une histoire de la pensée humaine où le lait, tour à tour, s’est présenté comme agent organisateur des rapports sociaux, principe imaginaire régissant les lois collectives, ou signe symbolique de la miséricorde religieuse. Des vierges allaitantes de la peinture chrétienne jusqu’à ces épanchements lactés mis en scène au cinéma, ce livre propose une iconologie filmique du lait, attentive aux processus de survivances, de migrations et de déplacements dont les motifs cinématographiques sont aussi le fruit. Le parcours iconographique se double d’une enquête historique où, entre anthropologie, théologie et histoire des représentations, le lait accompagne les réflexions fondamentales de l’humanité et souligne la permanence de problématiques culturelles très actuelles. Les diverses lactations filmiques ici analysées jouent comme des opérateurs cruciaux, qui connectent les films à tout un fonds anthropologique et religieux que la culture occidentale, semble-t-il, n’a pas encore réussi à liquider. Par ces jets lactés plus ou moins miraculeux, par ces allaitements plus ou moins incestueux, par ces bains dans un lait plus ou moins immaculé, le cinéma pose à nouveaux frais les questions décisives de la différence des sexes, de l’identité raciale ou des structures de la parenté.

Aurel Rotival est docteur en études cinématographiques de l’université Lyon 2, où il a enseigné l’esthétique du cinéma, l’iconologie et la théorie des images.
 

Avec le soutien de la Fondation internationale Balzan et du laboratoire Passages Arts et Littératures (XX-XXI) de l’université Lumière Lyon 2